Nos nageuses olympiques ne pourront plus nager

La ville de Québec est une des plus importantes pépinières mondiales d’athlètes olympiques de natation artistique. Mais cette époque risque d’être révolue: les nageuses seront évincées de la seule piscine de la région qui leur permet de pratiquer leur sport.

Le Centre de services scolaire de la Capitale a pris la décision de chasser le programme sport-études de la piscine afin de la garder exclusivement pour les étudiants des classes régulières, afin que s’y tiennent les cours d’éducation physique de l’école secondaire Cardinal-Roy.

Lyne Beaumont, Marie-Pierre Boudreault-Gagnon, Élise Marcotte, Valérie Welsh, Andréanne Côté, Raphaëlle Plante, Laurianne Imbeau, Valérie Hould-Marchand, Camille Fiola-Dion et Florence Tremblay… Ces athlètes olympiques ont toutes quelque chose en commun: elles ont fait partie de Québec Excellence Synchro. C’est le programme de sport-études de natation artistique de Québec.

Le programme mené par Samantha Da Costa présentait cet été, à Paris, deux athlètes aux Jeux olympiques.

Le quart de l’équipe olympique

C’est assez fou. Depuis 1996, il y a eu des athlètes de ce programme sur l’équipe olympique sans interruption. Depuis 2008, il y en a toujours au moins deux sur les huit qui représentent le pays. C’est le quart de l’équipe olympique.

Mais cette tradition d’excellence, «je pense que ça ne les dérange pas», se désole la coach Da Costa au sujet du centre de services scolaire.

«On leur a dit. Mais on ne sent pas que ça les affecte, que notre programme soit grandement menacé», ajoute-t-elle.

Ce programme a été mené durant près de 30 ans par Jojo Carrier, qui a été nommée entraîneuse du siècle par Natation artistique Canada en 2024.

«Honnêtement, j’ai très peur. C’est un peu mon bébé, c’est moi qui l’ai parti. […] La pépinière est en péril», regrette M^me Carrier.

Celle qui s’y implique toujours pour donner un coup de main est peinée de constater qu’après toutes ces années, c’est rendu «qu[e ça] dérange», ajoute-t-elle, la voix affaiblie.

Elles se cognaient la tête

C’est en novembre dernier que le centre de services scolaire a annoncé à Samanta Da Costa que le centre d’entraînement ne serait plus disponible pour son programme à partir de l’automne prochain.

Ce faisant, la piscine pourra être utilisée uniquement pour les cours d’éducation physique du programme scolaire régulier.

On parle ici de la piscine Lucien-Flamand. Elle est annexée à l’école Cardinal-Roy, qui regroupe des programmes sport-études ainsi que des classes du programme régulier. Cette installation aquatique est la seule, avec celle du PEPS de l’Université Laval, qui convient pour l’entraînement en natation artistique en raison de sa profondeur.

Mais au PEPS, la cohabitation est quasi impossible avec les autres nombreux sports et notamment le club de natation de l’Université Laval.

D’autres piscines ont été testées par le programme, car l’accès à celle que les nageuses utilisaient depuis des années est déjà restreint. Elles ont essayé de s’entraîner au centre communautaire Lucien-Borne, et les nageuses se cognaient la tête dans le fond.

Cet hiver, elles se promenaient de piscine en piscine à Québec l’après-midi pour avoir un peu de temps dans l’eau. Certaines sont des olympiennes, je le rappelle.

Si aucune solution n’est identifiée, il est évident que ce sera la fin de ce programme, et les athlètes d’élite se tourneront vers Montréal. «Au lieu de venir faire des bains de pieds à Québec», se désole Jojo Carrier, faisant référence au fait qu’aucune piscine assez profonde ne sera disponible.

Des inscriptions pour l’an prochain ont déjà été annulées devant l’incertitude.

Pourquoi ne pas cohabiter?

Il y a quelques années, l’école Cardinal-Roy n’avait presque plus de classes régulières. Mais un investissement de près de 16 M$ a permis d’agrandir l’école, qui compte maintenant une quinzaine de classes régulières tout en abritant encore des classes de sport-études.

Il y a donc plus d’élèves qui ont des cours d’éducation physique et davantage de besoins pour la piscine.

Mais ça reste une piscine de calibre olympique de 50 m qui n’accueillera pas des cours d’éducation physique à longueur de journée durant 10 mois. Une cohabitation est possible, estiment les entraîneuses du programme.

Le coordonnateur du sport-études de l’école Cardinal-Roy, Francesco Pepe Esposito, m’a demandé de passer par les relations médias du Centre de services scolaire de la Capitale pour mes questions. Je suis donc en attente de leurs réponses.